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À VENIR
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2018 - 22/09 - “This is not a love song…
j’entends ta voix dans tous les bruits du monde“
Shuttle19, Paris (FR)
curatrice : Maelle Dault

2018 - 04/10 “Des histoires de fils“
Galerie Lavitrine - Limoges (FR)
curatrice : Martine Parcineau

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La mécanique du trouble, 2018
Texte de Maëlle Dault

À travers ce miroir tournant et son mécanisme en forme d’ellipse, La mécanique du trouble évoque la circularité, la réversibilité mais aussi le flou qui peut s’exercer alors que, dans certains états de la relation amoureuse, nous ressentons un peu plus confusément notre propre image et le lien que nous entretenons à l’autre. « je crains et je réprouve l'être aimé, dès lors qu'il ne " colle " plus à son image. » dit Roland Barthes dans Fragments d’un discours amoureux.

Le miroir enchaîné qui effectue une lente révolution sur lui-même ne s’envisage plus pour son usage, il singe ici l’image du trouble quasi mécanique que nous pouvons ressentir et qui nous engage dans une perception inédite et brouillée de nous-même, de l’autre et de notre environnement. C’est avec humour que Valentin Abad aborde cette spirale émotionnelle, souvent source d’inquiétude, car la « capture » de l’autre n’est jamais possible. Avec cette mécanique autonome, Valentin Abad semble rejoindre Gilles Deleuze et Félix Guattari qui parlaient de «machine désirante».

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X (extrait de synchronicité et hasard), 2016
Texte de Maëlle Dault

Gilles Deleuze disait que toute rencontre amoureuse est prise dans un agencement. On se souvient du premier regard mais aussi de la lumière qui entrait par la fenêtre, du vêtement que portait l'autre, de la saison, du paysage autour. C’est à partir de tous ces éléments que s'organise le sentiment amoureux. Cette scène inaugurale semble se redire à chaque étape de "l'histoire d'amour" comme un véritable centre et point de repère. La pièce X (extrait de synchronicité et hasard) de Valentin Abad convoque ce centre vécu comme inéluctable vers lequel converge ces deux sphères. Ce «X» évocateur du contexte – l’inconnue ou la variable en mathématique et qui signifie aussi « je t’embrasse » à la fin d’un message – induit un point de rencontre complexe et paradoxal : la concomitance et la coïncidence. En passant par l’abstraction et l’agencement de formes géométriques pures (un X et deux sphères) pour décrire et aussi mettre à distance la complexité de telles situations ou relations, Valentin Abad nous engage vers une forme d’animisme en nous proposant une traduction du langage silencieux des objets et des formes tout comme le langage amoureux peut l’envisager.

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Dear Dad
, 2017
Texte de Fiona Vilmer

L’œuvre Dear Dad renvoie directement à un certain rapport de filiation, venant produire une relation humaine, apparaissant ici sous la forme d’un souvenir. L’œuvre s’adressant à un père, qui ici ne figure pas. Seul un objet semblant avoir été utilisé à l’instant et délaissé soudainement est rendu visible. Une perceuse électrique tourne ainsi à vide, sans cesse, dans un balais hypnotisant. Quelqu’un viendra-il la récupérer ? Le quotidien et la filiation paternelle se retrouvent dans le cadre de cette installation, romancés afin de raconter une histoire, dont chacun peut avoir sa version, son interprétation. Au regardeur, le premier degré intervient dans le médium utilisé, la perceuse même et non sa représentation. Toute la simplicité de l’oeuvre réside en cette lettre ouverte retranscrite symboliquement par une perceuse électrique en marche. Dear Dad, semble s’adresser à une figure, manquante physiquement dans l’oeuvre, cependant restituée dans l’objet. Finalement peut-être un hommage, aussi intime que universel.

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Texte de Fiona Vilmer

Comment prolonger les sentiments pris dans la temporalité de l’enfance ?

Le travail de Valentin Abad s’autorise à la (re)construction de l’imaginaire perdu de l’enfance, à l’aide de sculptures, à la limite du ready-made. Au fil de ses œuvres, l’artiste détourne et réinvente la matière pour mieux la détruire et la reconstruire, sous une nouvelle forme, telle une réinvention du quotidien. Fasciné par les constructions et leur jeu, l’artiste interroge: comment sculpter les ressentis de l’ordinaire, du tout les jours ? Pour cela, ce dernier procède à une transfiguration de la relation par la matière et invite à faire signe autrement, sous un autre aspect, où la matière se veut changeante. L’œuvre Écrase y fait directement référence. Les éponges plombées par le granite figurent le poids et l’étouffement de la relation familiale. L’artiste s’abstrait du langage pour communiquer par la matière une volonté d’indépendance. Influencé par le travail de Daniel Dewar et Grégory Gicquel, l’ordinaire se reconstruit. Le plaisir du « fait main » passe par les matériaux utilisés et leur apprentissage de manière autodidacte, répondant d’une certaine innocence quant à leur approche. Cette insouciance permet à Valentin Abad de construire et déconstruire, former et déformer les matériaux, à l’image d’une archéologie du futur comme notamment avec la pièce Puzzle, reprenant les formes élémentaires du carré, s’inscrivant dans un rond de plâtre blanc et pigmenté de bleu. L’allusion à la planète bleue, questionne la forme même de la Terre en perpétuel façonnage et destruction. Si l’artiste réinvente le monde, il en réinvente aussi la substance, laissant  entrevoir de nouveaux possibles. L’œuvre intitulée Grillage dépasse ce qui est établit et invente un bois surréaliste devenu souple, s’inscrivant dans un monde aux propriétés nouvelles. À l’instar du mur, la grille laisse percevoir l’inaccessible. Là où le monde se rêve, L’ascension des courges, songe à un légume permettant la création d’une échelle, insérant l’œuvre au sein d’un univers transformant les possibles. Ainsi, la réflexion sur sa pratique artistique permet à Valentin Abad de donner forme à l’impalpable des sentiments.

Comment modéliser par la forme une enfance possible ?

L’enfance passée éveille un souvenir évaporé et envisage une enfance future suggérant la parentalité de l’artiste. L’utopie et l’imaginaire de l’enfance, répondent ici à un jeu de construction comme cela peut être le cas de l’œuvre Le temps des dinosaures est révolu. L’artiste s’amuse à y détourner les matières pour fabuler des personnages, tout comme l’enfant jouant dans sa chambre, tandis qu’ici le temps de l’innocence est révolu. Si les œuvres de Valentin Abad paraissent minimales dans leurs formes, elles se complexifient et gagnent en profondeur au moyen de leur titre ou signification comme cela peut notamment être le cas avec l’œuvre intitulée L’enfant plante verte révélant un enfant délaissé par l’attention de ses parents. Devenu simple décoration, arrosé, dépourvu de réelle marque affective, renvoyant au monde parfois plus sombre de l’enfance et de l’adolescence coexistant avec les premières utopies. L’autobiographie ainsi partagée avec les regardeurs réinvestie l’univers de l’enfance et invite à l’identification. L’ancrage au réel se transmet notamment dans les objets utilisés devenus sculptures et constructions, mais aussi à travers les formes évoquant les relations humaines, propres à l’enfance et au cercle familial. L’œuvre Dear Daden est un exemple frappant. Une perceuse tourne dans le vide dans un ballet infini, allégorie du père plutôt bricoleur, que l’artiste observait de son regard d’enfant, comme spectateur d’un inaccessible.

L’idée d’invention règne dans la pratique de Valentin Abad. Les formes trompent la réalité. L’enfance perdue se recompose. Les utopies ordinaires se transfigurent. Finalement, une enfance possible se sculpte et exprime l’intérêt de l’artiste pour le processus de fabrication laissant aller la découverte.




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